Fusions de business schools, efficaces ?


Depuis quelques mois le monde des business schools françaises est agité par des annonces de fusions : Reims Management School  et Rouen Business School, Bordeaux Ecole de Management, Euromed et l’ESC Pau, et France Business School avec Amiens, Brest, Clermont-Ferrand autour de l’Escem. A tel point qu’on peut légitimement se demander si les écoles qui ne sont pas dans des process de fusion ont encore un avenir.

Pas d’avenir pour des écoles qui ne fusionneraient pas ?

Source : L

Bien entendu non ! « Big is beautiful » n’est pas un concept universel pour les  business schools. Les « petites écoles » sont les nécessaires solutions petites dont ont besoin les grandes. Vouloir rester petit peut être moderne et avant-gardiste. La petite taille est aujourd’hui en phase avec une partie de l’économie.  Mais pour ne pas être considérée comme « petit » chez les « grands » (situation suicidaire)  encore faut-il que cette école soit reconnue sur  une spécialisation bien précise, renonce à être généraliste, évolue au cœur d’un réseau international d’alliances sur sa spécialisation, se situe plutôt sur le haut de gamme et soit une vraie gazelle réactive capable d’intégrer et mettre en œuvre des innovations de manière très rapide et efficace. Comme le souligne Stephan Bourcieu, directeur général du Groupe ESC Dijon Bourgogne « Au-delà de la course à la taille et aux fusions…il existe probablement d’autres options stratégiques. La période de reconfiguration dans laquelle notre secteur est rentré sera sans doute porteuse d’opportunités de différenciation pour les écoles à même de les saisir« .

La priorité à la création de valeur pour l’étudiant

Une seule question doit guider la décision de fusion : le nouvel ensemble créera-t-il une valeur supplémentaire pour chaque étudiant, et si oui quelle est son importance ? Si la réponse est négative ou vague nous pensons que non seulement la fusion ne présente aucun intérêt mais qu’en plus elle a toutes les chances de détruire de la valeur dans chacune des écoles.

Les deux mauvaises raisons d’une fusion.

Quelquefois on donne deux raisons à une fusion : elle permettrait des économies et une masse critique. Je pense qu’il n’y a rien de plus faux au moins pour les premières années de la fusion. Vraisemblablement des économies sont possibles à court terme essentiellement par la mise en commun des services supports (gestion, services informatiques, etc.), peut-être par des achats à meilleur prix en raison des volumes accrus. Mais ces économies seront largement absorbées par les dépenses supplémentaires, nécessitées par la fusion,  au moins pendant les 3 premières années : création d’une nouvelle marque, communication plus intensive, déplacements plus nombreux, temps passé par les collaborateurs à se coordonner etc…

Quant au concept de masse critique, considéré de manière générale,  il n’est que peu pertinent pour les business schools tant il est vrai que la performance trouve sa source en premier lieu dans un rapport constant entre les moyens de production (les professeurs) et le nombre d’étudiants dans le cadre de la formation initiale. Nous connaissons tous des business schools reconnues au niveau mondial qui forment des petits effectifs.

Alors pourquoi fusionner ?

Très simplement parce qu’à de rares exceptions près,  les business schools françaises n’évoluent pas dans un environnement qui leur permet, pour l’instant, d’attirer vers elles des financements  importants leur permettant de jouer dans la cour mondiale, en dehors du chiffre d’affaires. A contrario de ce qui se passe pour leurs concurrents étrangers les plus directs. La question devient alors : comment développer le chiffre d’affaires, donc comment devenir plus attractif pour les étudiants et les entreprises ? Une école qui souhaite être reconnue au niveau mondial dans des délais assez courts ne peut donc atteindre cet objectif sans, dans un premier temps,  développer son chiffre d’affaires. La réussite de l’objectif lui permettra dans un second temps d’attirer d’autres financements.

Les deux bonnes raisons d’une fusion

Nous l’avons dit, la première d’entre elles, la plus importante,  est la création de valeur pour l’étudiant. La seconde est d’être plus attractif afin de développer le chiffre d’affaires et les marges, surtout en executive education,  et ainsi de se placer  en capacité d’investir plus massivement en  nouveaux professeurs, en innovation pédagogique notamment, condition clé de la réussite. Nous insistons sur cette dimension. François Duvergé, président du conseil d’administration de l’Escem a raison de dire au sujet de la création de France Business School : « Nous voulons créer la business school du XXIème siècle« .

Quels sont les quatre principaux facteurs clés de succès ?

Fusionner et ensuite intégrer sont des exercices particulièrement délicats constituant un défi redoutable. Et on ne compte plus les échecs.

Le premier d’entre eux, le plus compliqué, est l’intégration culturelle des écoles. La fusion des cultures doit faire partie des préoccupations prioritaires des nouveaux dirigeants notamment pour éviter les risques de conflits majeurs, déclarés ou larvés, et pour créer de la valeur. Notamment en montrant son respect pour la culture de l’autre, en entraînant les collaborateurs à travailler ensemble -en commençant par les dirigeants-, en brassant les personnes, les idées et les méthodes de travail. Cette phase pas ou mal réalisée conduit inévitablement à l’échec par la destruction de valeur qu’elle entraîne. Bernard Belletante, directeur général d’Euromed Management insiste sur cette dimension : « Quand Euromed Management a absorbé l’ESCT et l’Ecole Internationale de Design de Toulon, ces deux structures étaient très loin des standards internationaux.  Accompagné  de  mes  équipes,  j’ai  réussi  à  restructurer qualitativement  ces  écoles,  à  montrer  l’enrichissement  qu’elles apportaient à l’ensemble de la communauté euromédienne« .

Vient ensuite le choix de la bonne gouvernance, dans sa composition et ses méthodes de travail. Lors des fusions, chacune des entités d’origine veut participer aux décisions importantes ; réflexe naturel. S’ensuit un alourdissement important qui a pour effet au mieux de ralentir la structure et au pire de la paralyser. Or, pour réussir, une business school des années 2015 doit être une gazelle pour décider vite, être très agile, être capable de s’adapter très rapidement. Il s’agit là du troisième FCS.

Le quatrième facteur clé de succès réside dans la capacité de la nouvelle business school à créer une identité claire, forte et différenciante, concrétisée par une marque puissante. Afin notamment d’imposer le nouveau nom rapidement. Il ne s’agit donc pas simplement de créer une marque. Si la nouvelle école ne travaille pas d’abord son identité avec toutes les qualités inhérentes à une bonne identité, l’échec est assuré.

Enfin, l’enjeu majeur pour la nouvelle structure est d’être capable de continuer à s’occuper de chaque étudiant. Comme le dit Olivier Aptel, directeur général de Rennes School of Business, « Nous faisons de la haute couture avec un suivi individualisé de chaque étudiant. Est-ce encore possible quand ils sont 10 000 ? ».

Alors « fusion or not fusion ? ». La question ne se pose pose en ces termes pour les business schools françaises. Fusionner est un art difficile semé d’embuches ; mais c’est la seule stratégie pour les écoles qui souhaitent évoluer dans la cour mondiale. Ne pas fusionner est une autre stratégie, semée d’embuches également ; parce qu’il faut placer de manière constante  l’innovation  au cœur de sa stratégie dans le moindre interstice de l’école.

Tout ceci demande une réflexion stratégique approfondie, de se regarder avec lucidité et surtout de ne pas réfléchir par mimétisme aveugle. Ce que fait par exemple le Groupe ESC Troyes Champagne : « FBS n’est pas un mauvais projet, mais nous avons une autre stratégie. Au sein du groupe ESC Troyes, nous misons sur des partenariats avec des établissements complémentaires, pour développer les doubles compétences, la transversalité », explique Francis Bécard, le directeur général de l’Ecole.   « Et puis, notre autre axe fort, l’entrepreneuriat, n’était pas vraiment mis en valeur dans le projet France Business School »

Nous pouvons être certain par contre d’une chose : les écoles qui ne mènent pas cette réflexion connaitront très vite des problèmes sérieux.

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